Chiara Fiorillo – Fiche du film “La Nuit de Varennes” de Ettore Scola

Ettore Scola, Il mondo nuovo
Chiara Fiorillo

Fiche du film “La Nuit de Varennes” de Ettore Scola

 

 

TITRE: “La Nuit de Varennes”

SOCIÉTÉS DE PRODUCTION: Gaumont (France), FR3 Cinéma (France), Opera Films Produzione (Italie).

DATE DE SORTIE: 12 mai 1982

METTEUR EN SCÈNE: Ettore Scola. Ettore Scola, né le 10 mai 1931 à Trevico, d’abord a étudié droit et puis a travaillé comme dessinateur de presse de 1947 à 1952. Il a débuté dans le cinéma en 1953 come scénariste et coécrivant et en tout il a rédigé une vingtaine de scénarios, notamment pour l’acteur Totò. En 1964 il a réalisé son premier long métrage Parlons femmes et il a commencé à être reconnu avec Drame de la jalousie, pour lequel Marcello Mastroianni a été récompensé au Festival de Cannes 1970. Il a reçu le Prix de la mise en scène au 29e Festival de Cannes avec le film Affreux, sales et méchants et il a obtenu beaucoup de succès en 1977 avec Une journée particulière, interprété par Sophia Loren et Marcello Mastroianni. Ettore Scola a réalisé près de quarante films en quarante ans. Le 19 janvier 2016, Scola est mort à l’âge de 84 ans à Rome.

GENRE: Film historique.

ÉPOQUE: XVIIIe siècle, 1791-1793.

LIEUX: Centre-ville de Paris, Palais des Tuileries, relais de poste des Messageries Royales de Paris, itinéraire entre Paris et Metz, Varennes.

PERSONNAGES: Les protagonistes du film sont l’écrivain français Nicolas Edme Restif de la Bretonne et l’intellectuel vénitien Jacques Casanova. Les personnages principaux sont: la comtesse Sophie de la Borde (amie et dame de compagnie de la Reine Marie-Antoinette), Thomas Paine (intellectuel et écrivain britannique de la Révolution Américaine), Monsieur De Wendel (propriétaire de forges en Basse-Alsace), Virginia Capacelli (cantatrice bolognaise), De Florange (juge hypocrite), Madame Adélaïde Gagnon (noble dame veuve). Les personnages secondaires sont : le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette, Madame Faustine (vieille amie de Restif de la Bretonne et propriétaire d’un lupanar), Monsieur Jacob (coiffeur de la comtesse), Émile Delage (étudiant révolutionnaire), Marie-Madeleine (la servante de Sophie), Agnès (fille de Restif de la Bretonne), Monsieur Sauce (épicier et maire-adjoint de Varennes), Madame Sauce, Nanette Precy et Bayon (commandant de la garde nationale).

INTRIGUE : À Paris l’écrivain libertin Restif de la Bretonne, surnommé « hibou » parce que habitué à se fondre dans les nuits de la ville, rencontre une vielle connaissance, la propriétaire d’un lupanar Madame Faustine, qui l’invite à profiter et à faire la connaissance d’une de ses jeunes et belles filles. À Paris circulent les rumeurs d’un plan d’évasion du palais des Tuileries et d’une imminente fuite de la famille royale et le curieux Nicolas Edme Restif de la Bretonne en est très intéressé, surtout lorsqu’il entend la fille de Faustine, serveuse royale, raconter à sa mère que la Reine avait été vue laisser sa chambre à onze heures et demi. Lorsqu’il rentre à la maison, Rétif apprend de sa fille Agnès que pendant son absence des officiers ont séquestré sa propriété à cause de ses dettes et que l’écrivain britannique de la Révolution Américaine Thomas Paine (pour lequel il doit imprimer un manuscrit mais il n’a pas encore reçu une avance d’argent) va partir le lendemain pour Metz. Rétif donc décide d’aller chercher Paine pour lui demander de l’argent. Rétif, en se promenant autour des Tuileries, assiste au départ en carrosse d’une noble dame avec des mystérieux paquets et de son coiffeur et il commence à avoir le soupçon d’une possible fuite de la famille royale. Le jour suivant au départ des Messageries Royales de Paris il rencontre finalement Thomas Paine qui allait partir pour Metz et qui lui donne un peu d’argent pour les frais d’impression du manuscrit. Peu après Rétif reconnaît la dame de la vielle, avec les mystérieux paquets, monter sur une voiture et sa curiosité et son besoin de connaître la vérité le poussent à prendre part au voyage. L’aventure pour Rétif commence par la diligence ratée pendant qu’il cherchait d’acheter le billet avec l’argent juste reçu. Par conséquent il loue un cheval pour la rejoindre. Cette voiture emmène ses passagers jusqu’à Metz, en passant par la route empruntée quelques heures auparavant par la berline transportant le roi et sa famille. À l’intérieur de la diligence ont donc pris place, au départ de Paris, six passagers, trois femmes et trois hommes, qui confrontent leurs expériences et leurs différents points de vue sur la Révolution française. Il y a la comtesse Sophie de La Borde, amie d’enfance et dame de compagnie de Marie-Antoinette, aristocrate triste qui voyage accompagnée de son coiffeur Monsieur Jacob, partageant le siège du cocher, et de sa jeune servante Marie-Madeleine, assise sur l’impériale aux côtés d’Émile Delage. Puis il y a le juge de Florange, un homme hypocrite qui exprime du mépris à l’égard du peuple, surtout comme « le protagoniste d’œuvres littéraires », accompagnant sa maîtresse Virginia Capacelli, cantatrice qui va avoir un concert à l’Opéra de Metz. Le riche industriel lorrain, Monsieur De Wendel est actif et très ouvert à la discussion, en particulier avec son ami révolutionnaire Thomas Paine. Le sixième passager est une femme de la grande bourgeoisie, Adélaïde Gagnon, veuve triste d’un important producteur de Champagne.

Dans la tentative de rattraper la diligence, Restif est aidé par un aristocrate déchu qui se présente sur le pseudonyme de « Chevalier de Seingalt », mais en réalité il s’agit de Jacques Casanova, voyageant en incognito pour échapper aux sbires du compte Waldstein. Malgré les apparentes différences physiques et de pensée politique, les deux trouvent une forte alliance intellectuelle et une complicité, qui les emmènent à continuer le voyage ensemble sur la « désobligeante » de Casanova. Après avoir rattrapé la diligence, à l’arrêt du relais de poste de Meaux, Rétif découvre d’un homme qu’une grande berline y est passée à six heures du matin, donc ses soupçons augmentent et il se confronte sur le possible plan de fuite royale avec Monsieur Paine. Au moment du départ Rétif peut finalement joindre la diligence, tandis que Casanova repart en désobligeante. Dans la voiture les passagers discutent et parlent des aventures et de la vie du charmant Casanova, lequel peu après est obligé à arrêter son chemin à cause d’une roue cassée du cabriolet. La voiture des Messageries Royales rattrape l’homme et la comtesse de La Borde l’invite à continuer le voyage jusqu’à la prochaine étape dans la diligence. Casanova accepte l’invite, mais Monsieur Jacob est forcé par sa dame à rester surveiller les bagages de l’homme jusqu’à l’arrivée du carrossier. Ainsi la diligence s’anime grâce à Restif de la Bretonne et Casanova, qui mettent leur riche expérience de la vie et du plaisir au service des passagers, avides d’être instruits à l’amour et à la séduction par de tels maîtres. La voiture, trop lourde, doit s’arrêter au pied d’une montée située à l’entrée d’un bois. Les passagers sont invités à descendre et à marcher. Casanova entonne l’air du catalogue en duo avec Virginia, alors que De Florange et De Wendel échangent leurs inquiétudes faces aux révoltes des ouvriers. Ensuite la découverte d’objets abandonnés par la famille royale après un déjeuner sur l’herbe, (en particulier un mouchoir ramassé par Sophie), confirme son passage et sa fuite vers les frontières de l’Est. Puis ils continuent le voyage en carrosse. Plus tard ils descendent de la diligence pour se restaurer dans un relais de poste, et dans une auberge ils rencontrent l’envoyé de l’Assemblée législative Bayon, se reposant de la poursuite de la berline royale et ordonnant l’arrestation du Roi, sur ordre du général La Fayette. Après la nouvelle de la fuite royale et de l’arrestation, les passagers déjeunent dans l’auberge et se confrontent sur cet événement. Monsieur Jacob rejoint les autres aristocrates et donc Casanova peut repartir dans sa «désobligeante» réparée, après avoir refusé la déclaration d’amour de la veuve Gagnon. Au suivant arrêt de la diligence Adélaïde Gagnon termine son voyage, alors que Rétif retrouve son ami Jacques Casanova dans une auberge avec Nanette, la mère de son épouse défunte Zéphire, et ils passent la soirée tous ensemble. Les deux continuent le voyage ensemble jusqu’à l’étape suivante, où Casanova est rattrapé par les hommes de Waldstein et donc doit reprendre la route du château de Dux. Le Roi et la Reine ont été reconnus à Sainte-Menehould par le maître de poste Drouet et puis Monsieur Sauce, maire-adjoint de Varennes-en-Argonne, les a arrêtés et les retient “prisonniers” chez lui en attendant les ordres venus de Paris. Cette nouvelle se répand et le peuple français en colère marche vers Varennes. De plus en plus les paysans, les gardes nationaux et les officiers arrivent à Varenne, chez l’épicier Sauce. Après l’arrestation, le couple est reconduit à Paris suivi par une immense foule.

 

THÈMES : Le film raconte l’épisode de la fuite manquée de la famille royale du Palais des Tuileries vers le nord dans la nuit du 20 au 21 juin 1791. Le plan de la fuite, dont le projet remonte au 5 octobre 1789, consistait à rejoindre le bastion royaliste de Montmédy, au nord-est de la France, et les troupes guidées par le marquis de Bouillé pour lancer une contre-révolution. Le général La Fayette, chargé de la surveillance assidue de la famille royale, au courant du départ, ordonne l’arrestation du Roi, qui se passe plus tard à Varennes. Le contexte historique du film est celui de la Révolution française, où l’idée d’une république commence à faire son chemin.

Dans le film le thème du libertinage est très présente, en effet le XVIIIe siècle en France est marqué par le roman libertin, dont un des auteurs le plus importants est Restif de la Bretonne, et beaucoup de scènes soulignent l’érotisme et le scandale.

Un autre thème très important qui domine le film est celui de la fuite inéluctable du temps identifiable dans les personnages de Restif et Casanova. Au-delà des apparences, les deux personnages sont liés par une forte estime, par leur culture, par la complicité d’un passé mouvementé de grands séducteurs, mais surtout par la difficile acceptation du poids des ans qui leur fait regretter amèrement leur jeunesse. La représentation de Casanova désenchanté, nostalgique et caractérisé par le teint blanc et plâtreux, comme un homme victime du temps et qui a perdu son éclat, en est le majeur témoignage.

La comtesse de La Borde est une aristocrate triste et profondément convaincue de la légitimité de la monarchie absolue et très dévouée à la famille royale. Elle ne peut concevoir que le pouvoir royal et l’amour du peuple pour son souverain puissent être remis en question par la Révolution. Elle croit en son roi comme on croit en un « idéal », en une « religion » et donc elle incarne la dévotion absolue à la royauté: elle ramasse un mouchoir abandonné par les fugitifs royaux après un repas en forêt ; elle garde un précieux écrin à médaillons avec les portraits des membres de la famille royale ; elle transporte les habits de cérémonie du roi (dans les mystérieux paquets qui intriguaient Restif) et s’incline devant le mannequin sur lequel Jacob les dispose, après l’arrestation de Louis XVI. La comtesse soutient l’ordre divin du Roi, en revanche Thomas Paine pense qu’il s’agit d’un stratagème pour transmettre le pouvoir aux fils et continuer la dynastie. De l’autre côté le film propose la représentation du peuple français en colère voulant l’arrestation et, plus tard, l’exécution du couple royale et de la foule déchaînée qui n’accepte plus de subir et de vivre dans la misère.

J’ai remarqué aussi le thème de la précarité des ressources économiques des certains hommes de culture à l’époque, comme on peut voir de la condition de Jacques Casanova réduit au bibliothécaire au service du comte Waldstein, ou celle de Goldoni, cité par Casanova dans le film.

 

COMMENTAIRE : Le film est très intéressant et particulier, car il présente une reconstruction historique d’un des chapitres les plus représentatifs de la Révolution française comme la fuite de la famille royale et son arrestation à Varennes d’une perspective originale. En effet il ne se concentre pas sur les chefs d’état qui prenait les décisions, mais sur les idées des gens modestes qui les subissaient. Il a choisi donc de mettre à l’intérieur d’un carrosse des personnages distincts avec des points de vue différents qui se confrontent sur cet événement. Le Roi et la Reine apparaissent une seule fois à la fin du film, mais on ne voit que leurs jambes.

Le film a comme toile de fond le voyage en carrosse, et est caractérisé par de très bons costumes et de excellentes interprétations des acteurs, notamment celle de Marcello Mastroianni que montre un Casanova fragile, vieilli, victime de la fuite du temps, regrettant sa jeunesse, et représenté en blanc marmoréen comme préfiguration d’une morte prochaine.

Le choix d’Ettore Scola de l’écart sémantique qui sépare le titre français (La Nuit de Varennes), évoquant un épisode important de la Révolution, du titre italien (Il Mondo Nuovo), qui renvoie aux changements et à l’évolution qui entraîne la Révolution dans le contexte politique et social, est très remarquable. Dans le film Il Mondo Nuovo est aussi le nom d’une attraction sur un quai de la Seine, au pied de Notre-Dame, où des saltimbanques vénitiens invitent les passants à monter à bord pour regarder, à travers les lentilles d’un appareil optique, la reconstitution animée de la Révolution française, de la prise de la Bastille à l’exécution de Louis XVI. Cette scène figure une première fois juste au début du film et puis, de nouveau, dans la séquence finale comme pour mettre entre parenthèses le reste du film, avec un flashback qui les réunit, et avec une fonction narrative originale.

Je trouvé très intéressant l’anachronisme de la scène finale du film où on peut voir Rétif gravant, du quai de la Seine, les escaliers qui le ramènent dans le centre-ville parisien de l’époque actuelle, tout en citant un passage de son livre. Il se projette dans le futur pour communiquer et rappeler aux hommes qui critiquent les barbaries de la Révolution dans leur gouvernement politique apparentement solide et pacifique, que l’homme a la propension à répéter ses erreurs et à recommencer la guerre après une période de paix. Dans le film donc le metteur en scène cherche de donner une explication du présent, à travers une relecture du passé.

Par ailleurs dans le film sont mentionnés plusieurs hommes de lettres importants comme Dante, Voltaire et Goldoni.

 

Chiara Fiorillo

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